Jay Sekulow est un juriste
américain, conseiller en chef de l’ACLJ (American Center for Law and Justice)[1]
et de l’ECLJ (European Center for Law and Justice). Il a construit partie de sa
réputation (et de sa fortune) en défendant la cause de groupes religieux aux
Etats-Unis[2].
Jay Sekulow vient de publier un ouvrage
sur la montée en puissance du terrorisme islamiste, s’intéressant tout
particulièrement à l’Etat Islamique et au Hamas[3].
1 - Une lecture des défis du terrorisme
Cet ouvrage est sans la moindre
ambiguïté pro-américain, pro-israélien, anti-Obama, partisan d’un usage plus
libre et radical de la force armée contre le terrorisme islamiste. Le principal
message de l’ouvrage peut être résumé en quelques lignes : le terrorisme
islamiste est une menace planétaire comme le fut le nazisme au 20°
siècle ; face à cette menace destructrice, qui ne connaît d’autre
stratégie que la guerre totale, il n’y a selon lui qu’une seule option :
l’intransigeance et la force militaire. Toute hésitation pourrait être, selon
lui, fatale à la paix dans le monde. Mais, poursuit-il, cette guerre nécessaire
contre le Hamas et l’Etat Islamique (les deux groupes terroristes qui sont au centre de son propos) ne peut être
menée comme elle le devrait : les terroristes peuvent compter sur des alliés un peu partout dans le
monde. Il ne s’agirait pas uniquement des individus répondant à l’appel au
Jihad et rejoignant les théâtres d’opération, mais d’acteurs complaisants au
sein des pays européens, au sein même des Etats-Unis, d’institutions
internationales comme les Nations Unies, et de toute une famille d’acteurs
véhiculant une « pensée de gauche », laquelle mènerait actuellement
une « bataille juridique » (titre de l’un des chapitres du livre),
pour criminaliser non pas les terroristes, mais les forces qui exercent leur
droit de légitime défense (Israël répondant aux attaques terroristes du Hamas).
En criminalisant les forces légitimes (accuser Israël de crime de guerre), et
non les véritables criminels de guerre que sont les terroristes, c’est toute
l’action anti-terroriste qui est compromise. L’ouvrage énumère des arguments et
des faits pour étayer ce propos : il rappelle les attaques du Hamas, son
modus operandi et les horreurs perpétrées par l’EIL, le sort réservé aux victimes, les bilans des
attentats et des assassinats de masse, l’impossible dialogue entre Israël et le
Hamas, entre l’EIL, les chrétiens et les juifs. Il explique pourquoi, s’en référant
au droit international (par des références précises aux textes juridiques),
toutes ces exactions terroristes constituent crimes de guerre. Il explique le
piège dans lequel se trouve l’Etat d’Israël, qui dans un combat pour sa survie
(le Hamas ayant pour objectif la destruction de l’Etat d’Israël) est contraint
de répliquer mais qui, lorsqu’il tue des civils, est qualifié de criminel de
guerre. Comment se peut-il, s’interroge Jay Sekulow, que les véritables
assassins (les terroristes du Hamas et de l’EIL) fassent même figure de héros
pour des millions d’individus dans le monde ? Il explique ensuite
pourquoi, du point de vue du droit international toujours, l’action des forces
qui luttent contre le terrorisme est légitime et ne peut être considérée comme
crime de guerre.
Dans cet ouvrage sur le
terrorisme islamiste, Jay Sekulow fait
relativement peu référence au cyberespace. Il évoque :
- Les vidéos de tortures (exécution de James Foley)
- Youtube et Twitter qui censurent les diffusions des exécutions des otages américains
- L’existence des supports (DVDs, cartes téléphoniques…) sur lesquels on retrouve des images/vidéos des attaques IED contre les américains. Ces supports (dvds, etc.) peuvent contenir des malwares
- L’usage des médias sociaux pour diffuser images, vidéos, messages.
- L’intrusion de messages envoyés par les terroristes dans des contenus qui touchent des masses d’internautes : les images envoyées sur Twitter avec le hashtag #WorldCup, en pleine Coupe du Monde de football.
2 - Des arguments politiques transposés au cyberespace
La lecture que fait Jay Sekulow
de la situation au Moyen-Orient traduit ses idéaux politiques (conservative christian):
il semble constant dans le choix de ses arguments, qu’il applique à divers
objets politiques, notamment de sécurité. La réinterprétation de l’histoire
pour servir ses fins lui est également reprochée par ses détracteurs[4].
De sorte que le véritable objet
de son propos ne semble pas tant le terrorisme lui-même, ni la cybersécurité,
que la mise en valeur de son idéal conservateur. On distinguera dans la
démarche la définition de cibles et d’objectifs :
-
Cibles :
o
le terrorisme ;
o
les complices, les menaces : ceux qui se
montrent trop faibles, trop bienveillants, pas assez fermes contre le
terrorisme (administration Obama c’est-à-dire plus généralement la pensée de « gauche »,
les démocrates américains, les nations unies, l’Europe, etc.), voire perturbent
l’application du droit légitime des victimes à se défendre en cherchant à les
criminaliser plutôt qu’à les soutenir sans retenue)
-
Objectifs :
o
L’enjeu de sécurité/défense : défendre les
intérêts légitimes des victimes ; défense d’Israël (dans la ligne de
pensée des chrétiens conservateurs[5])
o
Défendre les valeurs, les droits fondamentaux
(liberté de culte, etc.)
o
Promouvoir la posture conservatrice (une posture
forte – Jay Sekulow est toutefois opposé à la peine de mort[6]
-, des choix radicaux, rejeter toute éventualité de négociation ou compromis
avec les criminels ; rejeter un dialogue avec les djihadistes dits « modérées » ;
défendre les droits légitimes des victimes et les soutenir sans retenue)
Jay Sekulow utilisa précédemment des
arguments similaires pour traiter des enjeux du cyberespace :
-
Cibles :
o
En mai 2014 il accusait -Obama de vouloir céder
la maîtrise de l’internet à un groupe multinational, puis aux les Nation-Unies,
voire à des régimes répressifs comme la
Russie, la Chine ou l’Iran[7] :
« The success and freedom of the Internet would be in grave jeopardy if
the Obama Administration is allowed to carry through with its plan to turn over
control of the Internet to a ‘multinational’ body ». Il dénonçait donc là
encore la faiblesse des démocrates.
o
Les acteurs qui de l’intérieur minent la
sécurité nationale. Là encore, appel à des solutions radicales, des sanctions
fermes. Ainsi déclarait-il, début 2013, à propos de fuites d’informations de l’administration
Obama : « There must be a "no tolerance" policy when it
comes to leaking confidential information concerning our national security. »[8]
o
La politique d’Obama : pétition contre le
Cyber Security Act (2009)[9]
qui met en péril la liberté d’expression ; dénoncer, anticiper les dérives
possibles, car si le Cybersecurity Act est officiellement légitimé par des
enjeux sécuritaires majeurs, donner les pleins pouvoirs à des dirigeants (un
cercle limité) laisse les portes ouvertes à des contrôles et une censure de l’internet
pour tout autre motif. Jay Sekulow n’hésite pas à comparer la possible
situation américaine à ce qui se passe en Iran[10].
-
Objectifs :
o
Droits fondamentaux, constitutionnels, libertés, sécurité :
§
s’inquiéter de ce qu’il adviendrait de la
liberté de l’Eglise si le net passait entre les mains des islamistes[11].
§
S’inquiéter de ce qu’il adviendrait de la
liberté d’expression si Internet était entièrement entre les mains d’Obama
La pensée de Jay Sekulow s’inscrit
dans la lignée de la posture des conservateurs chrétiens. A titre d’exemple:
- à propos de la lutte contre le terrorisme islamiste : les conservateurs religieux américains appellent à la destruction totale de l’Etat islamique[12]
- à propos de la dénonciation de l’administration Obama : le site « ConservativeChristian Voice » reprend le 20 juillet 2011[13] un article publié sur WND, intitulé « Look who Obama’s hired for cybersecurity team »[14], qui s’en prend à la composition des instances de cybersécurité américaines (Laura Callahan, suspectée de fraude sur ses diplômes universitaires, contrainte de démissionner du DHS en 2004, impliquée dans un scandale de « pertes » de milliers de mails ; mais considérée par certains de ses collègues comme un risque pour la cybersécurité en raison de ses pratiques et de son manque de compétences ; malgré ce passif, elle recouvre un poste au sein du nouvelle créé Cyber
- sur la liberté d’expression : les chrétiens conservateurs soutiennent le projet de loi déposé par Mike Kelly pour la protection de la liberté de l’Internet (Defending Internet Freedom Act 2014)[15]
[1]
http://aclj.org/
[2]
http://jonathanturley.org/2011/09/07/serving-mammon-and-making-millions-jay-sekulow-accused-of-funneling-millions-to-family/
[3] Rise of ISIS. A
threat we can’t ignore. Jay Sekulow, Jordan
Sekulow, Robert W. Ash, David French. Howard Books, New York, 2014, 128 pages.
[4] http://www.huffingtonpost.com/chris-rodda/the-lies-used-by-jay-seku_b_4226678.html
[5] “Many
conservative Christians say they believe that the president’s support for
Israel fulfills a biblical injunction to protect the Jewish state”. David D Kirkpatrick, For Evangelicals, Supporting Israel Is ‘God’s
Foreign Policy’, 13 novembre 2006, The
New York Times,
[http://www.nytimes.com/2006/11/14/washington/14israel.html?pagewanted=all]
[6] Kirsten Powers, Conservative
case against death penalty, 24 juin 2014, USAToday, [http://www.usatoday.com/story/opinion/2014/06/24/kirsten-powers-conservative-death-penalty-column/11328301/]
[7] ACLJ
Calls on Congress to Block Obama Adm. Move to Transfer Internet to
“Multinational” Body & Maintain American Control of the Web, mai 2014, [http://aclj.org/free-speech-2/aclj-calls-on-congress-to-block-obama-adm-move-to-transfer-internet-to-multinational-body-maintain-american-control-of-web]
[8] No tolerance for Obama Leas,
[http://aclj.org/us-constitution/jay-sekulow-no-tolerance-for-obamaleaks]
[9] President Obama to Control
Internet?, 2009, [http://drkentshow.com/wordpress/?tag=cybersecurity-act-of-2009]
[10] Health Care and Cybersecurity
Act, 2011, [http://aclj.org/obamacare/update-health-care-cyber-security-act]
[11] http://www.examiner.com/article/jay-sekulow-obama-gave-control-of-internet-to-un-will-censor-the-church
[12] David Gibson, US must ‘destroy’
Islamic State, say religious conservatives, RNS, 13 août 2014, [http://www.religionnews.com/2014/08/13/us-must-destroy-islamic-state-say-religious-conservatives/]
[13] [http://conservativechristianvoice.blogspot.fr/2011/07/look-who-obamas-hired-for-cybersecurity.html]
[14] [http://www.wnd.com/2011/07/323373/]
[15] [http://maplight.org/us-congress/bill/113-hr-5737/6109661/total-contributions.table]
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