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Monday, December 8, 2014

Une lecture conservatrice américaine des enjeux sécuritaires et du cyberespace

Jay Sekulow est un juriste américain, conseiller en chef de l’ACLJ (American Center for Law and Justice)[1] et de l’ECLJ (European Center for Law and Justice). Il a construit partie de sa réputation (et de sa fortune) en défendant la cause de groupes religieux aux Etats-Unis[2].  Jay Sekulow vient de publier un ouvrage sur la montée en puissance du terrorisme islamiste, s’intéressant tout particulièrement à l’Etat Islamique et au Hamas[3].

1 - Une lecture des défis du terrorisme

Cet ouvrage est sans la moindre ambiguïté pro-américain, pro-israélien, anti-Obama, partisan d’un usage plus libre et radical de la force armée contre le terrorisme islamiste. Le principal message de l’ouvrage peut être résumé en quelques lignes : le terrorisme islamiste est une menace planétaire comme le fut le nazisme au 20° siècle ; face à cette menace destructrice, qui ne connaît d’autre stratégie que la guerre totale, il n’y a selon lui qu’une seule option : l’intransigeance et la force militaire. Toute hésitation pourrait être, selon lui, fatale à la paix dans le monde. Mais, poursuit-il, cette guerre nécessaire contre le Hamas et l’Etat Islamique (les deux groupes terroristes  qui sont au centre de son propos) ne peut être menée comme elle le devrait : les terroristes peuvent  compter sur des alliés un peu partout dans le monde. Il ne s’agirait pas uniquement des individus répondant à l’appel au Jihad et rejoignant les théâtres d’opération, mais d’acteurs complaisants au sein des pays européens, au sein même des Etats-Unis, d’institutions internationales comme les Nations Unies, et de toute une famille d’acteurs véhiculant une « pensée de gauche », laquelle mènerait actuellement une « bataille juridique » (titre de l’un des chapitres du livre), pour criminaliser non pas les terroristes, mais les forces qui exercent leur droit de légitime défense (Israël répondant aux attaques terroristes du Hamas). En criminalisant les forces légitimes (accuser Israël de crime de guerre), et non les véritables criminels de guerre que sont les terroristes, c’est toute l’action anti-terroriste qui est compromise. L’ouvrage énumère des arguments et des faits pour étayer ce propos : il rappelle les attaques du Hamas, son modus operandi et les horreurs perpétrées par l’EIL,  le sort réservé aux victimes, les bilans des attentats et des assassinats de masse, l’impossible dialogue entre Israël et le Hamas, entre l’EIL, les chrétiens et les juifs. Il explique pourquoi, s’en référant au droit international (par des références précises aux textes juridiques), toutes ces exactions terroristes constituent crimes de guerre. Il explique le piège dans lequel se trouve l’Etat d’Israël, qui dans un combat pour sa survie (le Hamas ayant pour objectif la destruction de l’Etat d’Israël) est contraint de répliquer mais qui, lorsqu’il tue des civils, est qualifié de criminel de guerre. Comment se peut-il, s’interroge Jay Sekulow, que les véritables assassins (les terroristes du Hamas et de l’EIL) fassent même figure de héros pour des millions d’individus dans le monde ? Il explique ensuite pourquoi, du point de vue du droit international toujours, l’action des forces qui luttent contre le terrorisme est légitime et ne peut être considérée comme crime de guerre.

Dans cet ouvrage sur le terrorisme islamiste, Jay Sekulow  fait relativement peu référence au cyberespace. Il évoque :  
  • Les vidéos de tortures (exécution de James Foley)
  • Youtube et Twitter qui censurent les diffusions des exécutions des otages américains
  • L’existence des supports (DVDs, cartes téléphoniques…) sur lesquels on retrouve des images/vidéos des attaques IED contre les américains. Ces supports (dvds, etc.) peuvent contenir des malwares
  • L’usage des médias sociaux pour diffuser images, vidéos, messages.
  • L’intrusion de messages envoyés par les terroristes dans des contenus qui touchent des masses d’internautes : les images envoyées sur Twitter avec le hashtag #WorldCup, en pleine Coupe du Monde de football.

2 - Des arguments politiques transposés au cyberespace
La lecture que fait Jay Sekulow de la situation au Moyen-Orient traduit ses idéaux politiques (conservative christian): il semble constant dans le choix de ses arguments, qu’il applique à divers objets politiques, notamment de sécurité. La réinterprétation de l’histoire pour servir ses fins lui est également reprochée par ses détracteurs[4].
De sorte que le véritable objet de son propos ne semble pas tant le terrorisme lui-même, ni la cybersécurité, que la mise en valeur de son idéal conservateur. On distinguera dans la démarche la définition de cibles et d’objectifs :

-          Cibles :
o   le terrorisme ;
o   les complices, les menaces : ceux qui se montrent trop faibles, trop bienveillants, pas assez fermes contre le terrorisme (administration Obama c’est-à-dire plus généralement la pensée de « gauche », les démocrates américains, les nations unies, l’Europe, etc.), voire perturbent l’application du droit légitime des victimes à se défendre en cherchant à les criminaliser plutôt qu’à les soutenir sans retenue)
-          Objectifs :
o   L’enjeu de sécurité/défense : défendre les intérêts légitimes des victimes ; défense d’Israël (dans la ligne de pensée des chrétiens conservateurs[5]
o   Défendre les valeurs, les droits fondamentaux (liberté de culte, etc.)
o   Promouvoir la posture conservatrice (une posture forte – Jay Sekulow est toutefois opposé à la peine de mort[6] -, des choix radicaux, rejeter toute éventualité de négociation ou compromis avec les criminels ; rejeter un dialogue avec les djihadistes dits « modérées » ; défendre les droits légitimes des victimes et les soutenir sans retenue)

Jay Sekulow utilisa précédemment des arguments similaires pour traiter des enjeux du cyberespace :

-          Cibles :
o   En mai 2014 il accusait -Obama de vouloir céder la maîtrise de l’internet à un groupe multinational, puis aux les Nation-Unies, voire à des régimes répressifs comme  la Russie, la Chine ou l’Iran[7] : « The success and freedom of the Internet would be in grave jeopardy if the Obama Administration is allowed to carry through with its plan to turn over control of the Internet to a ‘multinational’ body ». Il dénonçait donc là encore la faiblesse des démocrates.
o   Les acteurs qui de l’intérieur minent la sécurité nationale. Là encore, appel à des solutions radicales, des sanctions fermes. Ainsi déclarait-il, début 2013, à propos de fuites d’informations de l’administration Obama : « There must be a "no tolerance" policy when it comes to leaking confidential information concerning our national security. »[8]
o   La politique d’Obama : pétition contre le Cyber Security Act (2009)[9] qui met en péril la liberté d’expression ; dénoncer, anticiper les dérives possibles, car si le Cybersecurity Act est officiellement légitimé par des enjeux sécuritaires majeurs, donner les pleins pouvoirs à des dirigeants (un cercle limité) laisse les portes ouvertes à des contrôles et une censure de l’internet pour tout autre motif. Jay Sekulow n’hésite pas à comparer la possible situation américaine à ce qui se passe en Iran[10].
-          Objectifs :
o   Droits fondamentaux, constitutionnels,  libertés, sécurité :
§  s’inquiéter de ce qu’il adviendrait de la liberté de l’Eglise si le net passait entre les mains des islamistes[11].
§  S’inquiéter de ce qu’il adviendrait de la liberté d’expression si Internet était entièrement entre les mains d’Obama

La pensée de Jay Sekulow s’inscrit dans la lignée de la posture des conservateurs chrétiens. A titre d’exemple: 
  • à propos de la lutte contre le terrorisme islamiste : les conservateurs religieux américains appellent à la destruction totale de l’Etat islamique[12]
  • à propos de la dénonciation de l’administration Obama : le site « ConservativeChristian Voice » reprend le 20 juillet 2011[13] un article publié sur WND, intitulé « Look who Obama’s hired for cybersecurity team »[14], qui s’en prend à la composition des instances de cybersécurité américaines (Laura Callahan, suspectée de fraude sur ses diplômes universitaires, contrainte de démissionner du DHS en 2004, impliquée dans un scandale de « pertes » de milliers de mails ; mais considérée par certains de ses collègues comme un risque pour la cybersécurité en raison de ses pratiques et de son manque de compétences ; malgré ce passif, elle recouvre un poste au sein du nouvelle créé Cyber 
  • sur la liberté d’expression : les chrétiens conservateurs soutiennent le projet de loi déposé par Mike Kelly pour la protection de la liberté de l’Internet (Defending Internet Freedom Act 2014)[15]


[1] http://aclj.org/
[2] http://jonathanturley.org/2011/09/07/serving-mammon-and-making-millions-jay-sekulow-accused-of-funneling-millions-to-family/
[3] Rise of ISIS. A threat we can’t ignore.  Jay Sekulow, Jordan Sekulow, Robert W. Ash, David French. Howard Books, New York, 2014, 128 pages.
[4] http://www.huffingtonpost.com/chris-rodda/the-lies-used-by-jay-seku_b_4226678.html
[5] Many conservative Christians say they believe that the president’s support for Israel fulfills a biblical injunction to protect the Jewish state”. David D Kirkpatrick, For Evangelicals, Supporting Israel Is ‘God’s Foreign Policy’, 13 novembre 2006, The New York Times,
[http://www.nytimes.com/2006/11/14/washington/14israel.html?pagewanted=all]
[6] Kirsten Powers, Conservative case against death penalty, 24 juin 2014, USAToday, [http://www.usatoday.com/story/opinion/2014/06/24/kirsten-powers-conservative-death-penalty-column/11328301/]
[7] ACLJ Calls on Congress to Block Obama Adm. Move to Transfer Internet to “Multinational” Body & Maintain American Control of the Web, mai 2014, [http://aclj.org/free-speech-2/aclj-calls-on-congress-to-block-obama-adm-move-to-transfer-internet-to-multinational-body-maintain-american-control-of-web]
[8] No tolerance for Obama Leas, [http://aclj.org/us-constitution/jay-sekulow-no-tolerance-for-obamaleaks]
[9] President Obama to Control Internet?, 2009, [http://drkentshow.com/wordpress/?tag=cybersecurity-act-of-2009]
[10] Health Care and Cybersecurity Act, 2011, [http://aclj.org/obamacare/update-health-care-cyber-security-act]
[11] http://www.examiner.com/article/jay-sekulow-obama-gave-control-of-internet-to-un-will-censor-the-church
[12] David Gibson, US must ‘destroy’ Islamic State, say religious conservatives, RNS, 13 août 2014, [http://www.religionnews.com/2014/08/13/us-must-destroy-islamic-state-say-religious-conservatives/]
[13] [http://conservativechristianvoice.blogspot.fr/2011/07/look-who-obamas-hired-for-cybersecurity.html]
[14] [http://www.wnd.com/2011/07/323373/]
[15] [http://maplight.org/us-congress/bill/113-hr-5737/6109661/total-contributions.table]

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