La
Chine vient de lancer l'initiative d'une nouvelle banque internationale d'investissement,
l'AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank),
qui a pour objectif de financer des projets d'infrastructures en Asie. Par ce
projet le Chine souhaite affirmer sa vision de la gouvernance mondiale, alors
qu'elle se sent écartée des grandes institutions que sont le FMI, la Banque
Mondiale , ou encore la Banque Asiatique de Développement (Asian Development
Bank), dominées par les Etats-Unis, l'Europe et le Japon.
De
nombreux pays (une quarantaine à ce jour), malgré les fortes réticences des
Etats-Unis, ont exprimé leur souhait de rejoindre le projet chinois: la France,
l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, Israël, Taïwan, le Japon, Singapour, l'Australie,
la Russie, les Pays-Bas (la liste ne cesse de s'allonger)[1] ...
L'opposition
américaine se justifie par l'évident coup porté à son pouvoir hégémonique,
l'AIIB étant une nouvelle formalisation de la croissance de la puissance
chinoise sur la scène mondiale. Et l'on constate qu'assez peu d'alliés des
Etats-Unis se rallient à la position américaine, radicale, hostile à
l'initiative chinoise. Par cette adhésion au projet, les nations espèrent sans
doute renforcer leurs liens avec la Chine et se voir ouvrir de nouveaux
marchés.
Ce
projet s'inscrit dans le même temps que les tensions générées par les nouvelles
règles imposées par la Chine aux entreprises étrangères, notamment au secteur
bancaire: les banques chinoises doivent limiter leur recours à des technologies
IT étrangères, et toutes les entreprises étrangères qui s'installent en Chine
doivent utiliser des systèmes de sécurisation (crypto) approuvés par Pékin, et
fournir les codes sources des applications aux autorités chinoises pour
vérification[2].
La Chine met en application le concept de souveraineté technologique, idée
selon laquelle ce qui est développé par une industrie "nationale" procure
plus de garanties de sécurité que les solutions étrangères (Pékin a ainsi
demandé aux banques chinoises de ne plus utiliser de machines IBM, et d'adopter
des produits chinois). Ce débat est loin d'être typiquement chinois, mais sa
mise en œuvre et son affirmation suscitent des réactions. Les enjeux sont
multiples:
- la
sécurité: la Chine, comme bien d'autres nations, préfère maîtriser les
solutions technologiques qu'elle utilise, et imposer les siennes aux autres. La
Chine préfère voir ses flux de données financiers et industriels maîtrisés par
elle-même, qu'exposés à la maîtrise des nations étrangères.
- le
commerce: quand la Chine devient autonome sur le plan technologique (et qui
plus est exporte ses technologies), ce sont autant de marchés potentiels qui échappent
aux géants des industries du monde entier
- la
politique: la Chine impose ses règles sur la scène internationale, en
restreignant l'accès à son marché. Avec le projet AIIB on peut estimer que plus
nombreux seront les pays adhérant, plus la Chine devra respecter les normes internationales.
Mais on peut aussi considérer que cette initiative n'est qu'un acte de plus,
avec les contraintes imposées au secteur bancaire, démontrant non seulement la
volonté de la Chine d'affirmer sa puissance comme acteur de la scène
internationale, mais aussi de sa capacité à imposer des règles du jeu.