Nous savons pratiquement tous les
systèmes informatisés vulnérables à des cyberattaques, qu’ils soient connectés
en réseau ou non. Ces vulnérabilités (failles d’origine technique et humaine) les
exposent potentiellement aux actions de la cybercriminalité, des organisations
terroristes, des Etats. Les incidents révélés ces derniers jours, n’en sont que
les derniers exemples. Des hackers auraient détourné 80 millions de $ de la
banque du Bangladesh, sur ses fonds déposés auprès de la réserve fédérale de
New York. Les sommes auraient été transférées sur un compte aux Philippines. L’incident
aurait eu lieu en février 2016, mais n’a fait l’objet de communiqués que le 11
mars. Les autorités du Bangladesh soupçonnent des hackers chinois.
Nous retrouvons dans cette
affaire les ingrédients des recettes de la cybercriminalité : une
dimension internationale (plusieurs pays sont ici impliqués : Etats-Unis,
Bangladesh, Indonésie, Chine…) qui rendra le traitement de l’enquête plus
complexe; des victimes qui tardent à connaître et/ou reconnaître les faits ;
des acteurs qui ne sont guère enclins à assumer des responsabilités ; des
hackers qui sont capables d’exploiter intelligemment les opportunités qui s’offrent
à eux (des systèmes où la protection fait de toute évidence défaut, des
ressources financières importantes exposées à qui sait oser les saisir), et qui
disposent pour cela des moyens suffisants ou connaissances pour le faire, mais
qui dans le même temps échouent dans leur projet à trop en vouloir et font
preuve du plus grand amateurisme (ce sont des erreurs d’orthographe dans le
libellé des ordres de transfert qui ont fait naître des suspicions). Rappelons
que les cyberattaques contre les banques et institutions financières peuvent
avoir quatre objectifs principaux : le premier consiste à voler l’argent de
ces institutions ; le second prend l’institution financière ou le système
bancaire comme cibles et vise à les déstabiliser ; le troisième a pour
ambition de perturber une économie toute entière, éroder la confiance des
clients, citoyens, voire semer le désordre dans la société ; le quatrième
a une visée politique, activiste (défigurer les sites internet des institutions ;
voler leurs données confidentielles et les divulguer…) A chacun de ces
objectifs correspondront des acteurs spécifiques, des modes opératoires
particuliers.
Au-delà de l’atteinte à l’image
des institutions et des pertes purement financières, c’est la question plus
large de la sécurité des systèmes informatisés des institutions bancaires et
financières qui est soulevée. Depuis de nombreuses années les discours[1]
se font de plus en plus alarmants quant aux risques pesant sur l’ensemble des
infrastructures critiques, essentielles au fonctionnement de nos sociétés
modernes. Le système financier est de celles-ci.
Les systèmes informatisés des
institutions bancaires et des places boursières, font certainement l’objet de
mesures de cybersécurité. Mais cela n’empêche pas les contournements de ces
mesures. Les cas se multiplient :
- La fraude à la carte bancaire est un phénomène
planétaire, qui alimente petite et grande délinquance
- En juillet 2015 la bourse de New-York (NYSE) doit
interrompre son fonctionnement. La Corée du Nord aurait revendiqué être à
l’origine de cette perturbation par cyberattaques[2].
- En 2013, paralysie des réseaux des banques sud-coréennes,
bloquant les distributeurs de billets. L’origine en serait une cyberattaque
menée par Pyongyang[3]
- En 2013, un groupe de hackers, Cyber Fighters of Izz ad-din Al Qassam,
revendique les cyberattaques (par déni de service) qui ont fait tomber les
sites internet de 9 grandes banques américaines, durant plusieurs jours pour
certaines d’entre elles[4]. Ces
attaques proviendraient d’Iran
- En septembre 2015 l’autorité monétaire de Hong
Kong affirmait que la cybercriminalité intensifie ses attaques contre les
systèmes de ses institutions financières (17 cas rapportés d’attaques par déni
de service de janvier à septembre 2015 ; 3 attaques similaires en 2014)[5]
- Le Carbanak Cybergang aurait volé 300 millions
de $ en attaquant 100 banques dans 30 pays. (Révélation faite dans un rapport
Kaspersky du 14 février 2015. L’info est également publiée par le New York
Times[6]).
Nous ne poursuivons pas ici la
longue liste qu’ouvrirait un recensement exhaustif des incidents connus. Une
étude publiée par la Purdue University[7]
en 2014 montre que les incidents subis
par les banques américaines du fait de l’exploitation criminelle de leurs
réseaux et systèmes informatisés, prennent forme dès les années 1970. Le
phénomène semble s’accélérer au cours des deux dernières décennies.
Une question nous paraît
essentielle : que sait-on réellement de l’impact que peuvent avoir les cyberattaques menées contre les systèmes
critiques que sont ceux des banques et places boursières, sur les économies
nationales et sur l’économie mondiale ?