19 000 sites internet français auraient été
défigurés ces dernières heures par des « hacktivistes » adressant des
messages hostiles à la France. Le phénomène appelle plusieurs commentaires :
- Il serait maladroit de parler ici de « guerre », préférons le qualificatif de criminalité. Les réponses aux défigurations de sites sont a priori de nature pénale.
- Les défigurations des 19000 sites ne sont pas à proprement parler des « réactions » à l’initiative des groupes Anonymous (qui ont décidé quant à eux de se lancer dans des opérations contre l’Etat islamique et autres acteurs de l’islamisme). Rappelons que les défigurations de sites sont des pratiques ordinaires, courantes, quotidiennes. On en recense des centaines de milliers sinon plus chaque année de par le monde, et ce depuis les années 1990. A chaque événement majeur (conflit armé, affrontements, révoltes, révolutions, tensions politiques, tensions ethniques, religieuses…) viennent s’associer une ou plusieurs vagues de défigurations de sites internet (les hackers revendiquant alors une cause en lien direct avec le contexte ; ou au contraire trouvant uniquement dans le contexte un lieu propice à la promotion de leurs revendications). Il était donc prévisible que le phénomène s’inscrirait dans le prolongement des attentats et des événements qui ont suivi tout au long de la semaine. Les défigurations auraient eu lieu, sur fond de débats religieux-politiques, sans la déclaration d’intention de groupes Anonymous. Ce qui surprend toutefois ici c'est l'ampleur du phénomène.
- Nul ne sait qui se cache véritablement derrière les signatures qui revendiquent les attaques, des acteurs étatiques ou non étatiques. On ne sait pas s’il s’agit de « groupes » ou d’individus isolés ; on ne sait pas véritablement où ils se trouvent ; nous préférons pour cela parler de « signatures », qui fonctionnent comme des bannières, des logos que les acteurs peuvent utiliser pour leurs actions.
- La France n’est pas, le plus souvent, la cible unique de ces hackers. On retrouve pour une même signature des cibles dans d’autres pays, et des attaques commises dans d’autres contextes. Nombre de ces hackers agissent dans la durée, sur plusieurs mois ou années.
- Le nombre de défigurations n’est pas un critère significatif de mobilisation d’une large communauté de hackers: peu de hackers peuvent pirater beaucoup de sites.
- Le phénomène est généralement éphémère : il s’agit bien de vagues de défigurations de sites, qui concentrent leurs tirs sur des périodes assez courtes. Le phénomène pourrait cependant durer tant que les médias en assureront la publicité, et tant que l’actualité fournira un motif à ces hackers sur ce terrain d’action particulier. Une autre configuration est ici envisageable; la mobilisation croissante et durable d'un nombre important de hackers répartis dans le monde autour d'une cause.
- Défigurer le site internet d’une petite commune ou défigurer le site d’une institution militaire d’une grande nation, n’est certes pas du même niveau. Le message affiché est bien entendu davantage mis en lumière quand la victime est importante. Mais cette médiatisation mise à part, dans les deux cas les retombées, les bénéfices pour l’attaquant restent difficiles à évaluer. Le volume des atteintes est tel qu'il constitue par contre ici un facteur de perturbation significatif.