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Saturday, April 4, 2015

Chine, banques, cybersécurité

La Chine vient de lancer l'initiative d'une nouvelle banque internationale d'investissement, l'AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank), qui a pour objectif de financer des projets d'infrastructures en Asie. Par ce projet le Chine souhaite affirmer sa vision de la gouvernance mondiale, alors qu'elle se sent écartée des grandes institutions que sont le FMI, la Banque Mondiale , ou encore la Banque Asiatique de Développement (Asian Development Bank), dominées par les Etats-Unis, l'Europe et le Japon.
De nombreux pays (une quarantaine à ce jour), malgré les fortes réticences des Etats-Unis, ont exprimé leur souhait de rejoindre le projet chinois: la France, l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, Israël, Taïwan, le Japon, Singapour, l'Australie, la Russie, les Pays-Bas (la liste ne cesse de s'allonger)[1] ...

L'opposition américaine se justifie par l'évident coup porté à son pouvoir hégémonique, l'AIIB étant une nouvelle formalisation de la croissance de la puissance chinoise sur la scène mondiale. Et l'on constate qu'assez peu d'alliés des Etats-Unis se rallient à la position américaine, radicale, hostile à l'initiative chinoise. Par cette adhésion au projet, les nations espèrent sans doute renforcer leurs liens avec la Chine et se voir ouvrir de nouveaux marchés.

Ce projet s'inscrit dans le même temps que les tensions générées par les nouvelles règles imposées par la Chine aux entreprises étrangères, notamment au secteur bancaire: les banques chinoises doivent limiter leur recours à des technologies IT étrangères, et toutes les entreprises étrangères qui s'installent en Chine doivent utiliser des systèmes de sécurisation (crypto) approuvés par Pékin, et fournir les codes sources des applications aux autorités chinoises pour vérification[2]. La Chine met en application le concept de souveraineté technologique, idée selon laquelle ce qui est développé par une industrie "nationale" procure plus de garanties de sécurité que les solutions étrangères (Pékin a ainsi demandé aux banques chinoises de ne plus utiliser de machines IBM, et d'adopter des produits chinois). Ce débat est loin d'être typiquement chinois, mais sa mise en œuvre et son affirmation suscitent des réactions. Les enjeux sont multiples:
- la sécurité: la Chine, comme bien d'autres nations, préfère maîtriser les solutions technologiques qu'elle utilise, et imposer les siennes aux autres. La Chine préfère voir ses flux de données financiers et industriels maîtrisés par elle-même, qu'exposés à la maîtrise des nations étrangères.
- le commerce: quand la Chine devient autonome sur le plan technologique (et qui plus est exporte ses technologies), ce sont autant de marchés potentiels qui échappent aux géants des industries du monde entier
- la politique: la Chine impose ses règles sur la scène internationale, en restreignant l'accès à son marché. Avec le projet AIIB on peut estimer que plus nombreux seront les pays adhérant, plus la Chine devra respecter les normes internationales. Mais on peut aussi considérer que cette initiative n'est qu'un acte de plus, avec les contraintes imposées au secteur bancaire, démontrant non seulement la volonté de la Chine d'affirmer sa puissance comme acteur de la scène internationale, mais aussi de sa capacité à imposer des règles du jeu.




[1] Voir la cartographie des pays adhérant au projet: http://qz.com/372326/all-the-countries-that-are-joining-chinas-alternative-to-the-world-bank/
[2] http://rt.com/business/244589-usa-china-wto-cybersecurity/

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